rêver tout haut s’intéresse au monde du travail, et plus particulièrement au travail social, au travail soignant, à tout travail où l’accompagnement des personnes est fondateur et au cœur des missions. L’association crée spécialement pour les professionnels et leurs institutions des ateliers de groupe, d’art-thérapie, de création, et des séances de sophrologie qui leur sont destinés.
En effet, il nous parait important que les travailleurs sociaux, les enseignants, les soignants, les personnes qui sont le plus en contact avec des problématiques parfois lourdes puissent elles aussi déposer et transformer quelque chose de leur vécu professionnel et personnel. Il faut en effet pouvoir prendre soin de soi pour pouvoir prendre soin des autres.
«Le travailleur social se veut et se pense médiateur. C’est l’auto-définition qu’on rencontre le plus souvent dans tous les points du champ. Mais l’impossible et l’intenable de cette position font qu’elle se maintient toujours dans l’incertitude de ne pouvoir poursuivre jusqu’au bout son geste. Il ne peut pas complètement prendre le parti des personnes marginalisées par le fonctionnement de la machine sociale, au risque d’apparaître irresponsable et de se discréditer. Mais il ne peut pas non plus se ranger complètement du côté des mandataires de la société qui commanditent son action, au risque de la rendre inefficace auprès de ceux qui sont ses publics. Il est ainsi tenu d’osciller sans cesse entre les deux positions.»
Michel Autès
dans « _Les paradoxes du travail social_ »
Au-delà cette complexité des liens à créer et à maintenir avec les usagers, le travail social et le travail soignant s’inscrivent et sont les témoins de leur époque. Et la nôtre n’est pas particulièrement tendre avec le monde du travail en général et encore moins avec le travail soignant et social : politique du management qui remplace petit à petit des relations dites « plus humaines », plus souples et plus proches des attentes et des missions pour lesquelles le professionnel s’était engagé dans ce métier. Burn out, stress, conflits et souffrances au travail sont une réalité à prendre en compte aujourd’hui.
rêver tout haut est un lieu où les professionnels du lien et du soin et leurs institutions peuvent trouver un accompagnement qui leur permette d’élaborer et de transformer leurs expériences, leur charge de travail, les relations à leurs usagers, le regard qu’ils portent sur eux (et réciproquement) au quotidien. Ces ateliers que nous proposons peuvent être un complément aux séances d’analyse de la pratique organisées par les institutions elles-mêmes.
Comment rendre compte de rencontres marquantes, troublantes, parfois envahissantes, voire culpablisantes, que l’on peut faire dans le cadre de son travail d’accompagnement social ou soignant ? En écrivant, en transformant par des textes et des chansons ce vécu parfois complexe à transmettre.
La rencontre est à la base du travail social et soignant et la rencontre bouscule les individus, qu’ils soient professionnels ou usagers : Qu’est-ce que les personnes bénéficiaires d’un accompagnement social, les personnes exclues, les personnes aux carences affectives profondes, aux ruptures accumulées, disparaissant et réapparaissant de façon soudaine dans leur environnement, les personnes souffrant de pathologies font-elles vivre à celles qui les suivent et les soutiennent ? Comment le travailleur social ou soignant trouve-t-il sa place au sein de cette relation particulière ? Comment la nourrit-elle ? Comment s’accommode-t-il avec sa position d’accompagnement de l’exclusion et avec la loyauté qu’il doit déployer vis à vis de son institution ou de la société ? Comment négocie-t-il entre son désir de sauver le monde et de l’autre côté, d’en accepter le fonctionnement ? Comment faire avec ces ambivalences, douloureuse parfois mais inhérentes au travail d’accompagnement et du soin ?
Alors, que proposer, à partir de toutes ces données, pour que l’accompagnement social ou soignant trouve ou retrouve un peu de distance, un peu d’air, en un mot un peu de créativité qui permettrait un bienvenu mouvement de la pensée ?
L'approche sophrologique pour les professionnels permet de travailler beaucoup de thématiques, de faire un retour sur expérience et d'améliorer la qualité de son quotidien professionnel. Nous pouvons proposer des cycles de séances hebdomadaires sur plusieurs mois, ou des modules plus courts et plus ponctuels, sur des thèmes comme « la gestion du stress en milieu professionnel », ou « prendre soin de soi pour prendre soin des autres ».
rêver tout haut propose un atelier qui consiste en se mettant à écrire, à garder traces mais à garder traces différemment. Pas uniquement dans une vision de formulaires ou de cases à remplir, pas que dans une vision administrative ou une vision effective, du lien et de la rencontre. Mais dans le sens de garder les empreintes de ce que la personne rencontrée fait vivre, pour lui donner vie, pour lui donner preuve d’existence et par delà son existence donner ou redonner du sens à l’accompagnement, une continuité dans un travail au quotidien devenu souvent morcelé, dire que ces moments de rencontres et d’échanges même éphémères ont bel et bien existé, qu’ils s’inscrivent dans le temps et les mémoires, et dans une vision personnelle, subjective et non uniformisée.
Voici un exemple de texte témoignant d’une rencontre et d’un accompagnement vécus dans le cadre du travail social :
Le terrier
«Il sort de son garage, de son terrier de mégots et de merdes séchées
Il sourit
Il s’accroupit, il ne peut pas rester ni debout ni assis
Debout, c’est pour ceux qui savent se présenter, dire bonjour, parler d’eux, serrer les mains des autres, même de leurs ennemis
Assis, c’est pour ceux qui savent manger à table, compter, écrire, multiplier
Il se met en position d’attente, les fesses posées sur ses talons, toujours prêt à filer, à aller se cacher comme les millions de souris qui vivent avec lui dans son abri anti-aérien
Le monde est plein de prédateurs, de crocs et de portes contre lesquelles on n’a pas le droit de s’adosser
Peut-être a-t-il peur de la guerre, celle que chaque jour il perd un peu plus et qu’il ne gagnera pas contre ses mains vides, contre son foie, contre ses cicatrices, contre 6 milliards d’humains et contre sa mère invisible, et éternellement fâchée
Je ne pense pas qu’il ait été un jour enfant, je pense qu’il est né ainsi, 1 mètre 80, de corps presque liquide, de corps sans maintien.
Mais ce matin il sourit. Un répit. De trois minutes et demi.
Car il n’est pas mort cette nuit. Ni de froid, ni d’ennui, ni de souterrain, ni de coup de pelle, ni de mauvais vin.»