Une être humaine,
c’est celle qui n’a pas le droit de regarder par la fenêtre
celle qui doit oublier le mot NON
celle qui est en danger dans sa propre maison
celle qui un jour, emportant ses gamins, son baluchon, trouve la force de s’enfuir
et s’échappe d’un domicile conjugal nocif, mortifère, violent
celle qui sauve sa peau
et qui avec le temps, va reconstruire une vie ailleurs, autrement
et va monter sur scène pour raconter
et qui par sa parole, aidera les autres à se protéger, à comprendre et à leur tour, s’éloigner…
C’est donc celle qui va changer de statut, dans son propre regard et dans celui des autres, et qui ne sera plus ni victime ni paillasson, mais être humaine, entière et transformée.
Les Êtres humaines est un spectacle basé sur un long travail de recueil et de transformation artistique de témoignages. Il est joué par des comédiennes professionnelles et par des femmes ayant survécu à la violence conjugale, et qui, par la démarche artistique témoignent ainsi de leur cheminement et de leur expérience. Il explore toute la complexité, l’intimité des situations d’emprise et fait émerger l’énergie à déployer pour s’en sortir. Faire monter sur scène des femmes anciennement victimes ou qui se débattent encore avec la violence, la peur, les représailles, les ambivalences, fait partie intégrante du processus artistique : montrer la transformation, la prise de parole publique, et toucher le public non seulement par la sincérité du propos mais aussi par le chemin intérieur et concret qu’il faut parcourir pour le transmettre à d’autres. En résumé, l’objectif créatif, humain et social est de faire et de montrer comment faire de son expérience quelque chose de vivant, de transcendé et de partageable.
Ce spectacle, théâtral et musical est donc une proposition artistique originale mais il est aussi un outil, une façon de comprendre, vu de l’intérieur, le fonctionnement de la violence intra-familiale. Il est aussi une formidable leçon de courage, et de réappropriation de sa propre existence. Et la cause en a bien besoin !
La mise en scène et le texte qui réunissent gravité et énergie, isolement et entraide, chants et dialogues, introspection et révolte, peur et soulagement, sentiment d’emprisonnement et découverte de la liberté, offrent au public la dynamique d’un spectacle et la profondeur d’une réflexion..
Les spectatrices et spectateurs sont invité.es à la suite de représentations à un long temps d’échanges, d’écoutes et de conseils.
C’est un spectacle qui a déjà une histoire et qui, chargé de celle-ci, se remet en mouvement et en création en 2025, avec le soutien du Fonds Social Européen.
C’est en 2011 que Valérie Gaudissart, cinéaste et metteuse en scène a l’idée de contacter la Résidence l’Ecluse à Chalon sur Saône qui accueille des femmes et leurs enfants, victimes de violences intra-familiales, en lui proposant de mener un cycle d’ateliers artistiques de plusieurs mois. Ce que l’Ecluse a accepté avec joie, tant la nécessité de faire s’exprimer et d’entendre les paroles des femmes et des travailleuses sociales qui les accompagnent était cruciale (et l’est toujours d’ailleurs).
Ces ateliers ont permis à l’équipe artistique de proposer à une vingtaine de femmes, des échanges de paroles et de récits, de la peinture, de la photographie et une pratiques théâtrale et musicale. Devant la motivation des femmes rencontrées, et la motivation des équipes de travailleuses sociales accompagnant ces mères dans un long chemin de reconstruction, il s’est petit à petit monté avec évidence un spectacle, réunissant une équipe de comédiennes professionnelles et plusieurs femmes anciennement victimes, résidentes à l’Ecluse. Et c’est devant un public de 300 travailleurs sociaux de tout le département de Saône et Loire que nous avons joué une première version de notre spectacle en novembre 2011.
Et là, nous avons été assaillies de demandes : ce spectacle pouvait être un formidable outil non seulement pour les femmes qui y participent mais aussi pour toutes celles et ceux qui allaient le voir et le recevoir. Il pouvait permettre de faire bouger les choses sur le terrain, de faire connaitre la complexité et l’intimité du fonctionnement familial violent, il pouvait destigmatiser. Il pouvait former les professionnel.les du travail social et de l’accompagnement et l’écoute des victimes. Il pouvait aussi être le bon moyen de faire naitre des débats et des prises de conscience au sein des lycées.
Comme nous le disaient souvent les femmes devenues comédiennes : nous prenons la parole pour celles qui ne le peuvent plus.
Nous avons donc organisé une tournée à l’automne 2012, précédée de plusieurs résidences, et celle-ci ayant été très intense en terme de retombées et d’expressions créatives, qu’une deuxième tournée en 2013 a été nécessaire et organisée. Dans l’idée de ne pas être dans la répétition, mais plutôt d’être dans une matière vivante, nous avons chaque année fait rentrer dans la troupe une nouvelle femme, et de nouveaux témoignages.
L’équipe était composée des comédiennes Blandine Pélissier, Sylvia Etcheto, de la comédienne et metteuse en scène Valérie Gaudissart, du pianiste et compositeur Morton Potash, de la scénographe Sophie Beau-Blache, du créateur lumières Florian Girard, et de Samia, Saliha, Fatma, Mariama, Mireille, Houria, Aurélie. Nous sommes donc parti.es sur les routes de Saône et Loire et avons joué devant des centaines de spectatrices et spectateurs, avons rencontré énormément de personnes concernées, de tout âge. La venue du spectacle a permis de créer une dynamique dans chacune des villes et des réseaux d’entraide ont vu le jour, des appartements d’urgence ont été ouverts, des femmes et des jeunes ont pu être entendu.es, aidé.es…
C’est ce résultat concret, et qui dépasse le seul cadre du théâtre, qui nous fait aujourd’hui reprendre ce spectacle dans une version actualisée.
Les tournées 2011, 2012 et 2013 ont été soutenues par la Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité, le Conseil Départemental 71, le Conseil Régional de Bourgogne et le FAP, la CAF et le REAAP 71, l’ACSE, Le Grand Chalon, la Ville de Chalon sur Saône, et la Résidence de l’Ecluse.
La violence est toujours là, et les passages à l’acte, malgré la libération de la parole et l’écoute des victimes, sont toujours trop nombreux, et très destructeurs, comme si la voie de sortie des conflits ne trouvait que la voie de la violence extrême. Alors on s’interroge, que faire pour essayer de protéger ? Quelles formes trouver ? Quelles paroles ? Comment faire pour que cette énorme problématique trouve elle aussi une voie de sortie ?
Finalement, monter des spectacles et les jouer sont ce que nous savons faire de mieux et dans lesquels nous trouvons du sens et notre juste place.
Et ces réflexions que nous nous sommes faites ont été confortées par des demandes de différentes structures sociales nous demandant de venir jouer le spectacle chez elles.
Alors, nous voilà, Compagnie Rêver Tout Haut et metteuse en scène, Valérie Gaudissart nous relançant dans la réécriture d’une nouvelle version, en intégrant de nouvelles femmes, de nouveaux témoignages, de nouveaux partenaires et nous projetant dans cette expérience passionnante et vitale.
Vont donc être organisés avec différentes structures socio-culturelles de Bourgogne, de villes et aussi du milieu rural, des cycles de rencontres et d’ateliers créatifs, qui permettront de rencontrer de nouvelles femmes, de recueillir leurs témoignages et d’intégrer les partantes au processus artistique de la création d’un spectacle.
Comme lors des précédentes tournées, rêver tout haut va organiser la venue des représentations en partenariat avec les services d’aides aux victimes, les réseaux VIF, des services juridiques, des médiations familiales, des lycées, des enseignants, des soignants, des gendarmes, des foyers d’hébergement, des élus.e, des réseaux des droits des femmes, etc, dans une logique de mise en commun des outils de formation et d’informations, de repérages des situations, et dans le but d’être efficace et utile sur le terrain.
Le spectacle peut être joué en salle de spectacle, mais aussi en centres sociaux, maisons de quartiers, lycées, là où ses représentations ont du sens. Le décor et la scénographie sont conçues pour être légers, à l’image de ces femmes qui fuient le domicile avec de toutes petites valises.
Il est ouvert à tout public à partir de 12 ans.
Ateliers de création et écriture : premier semestre 2025, résidences et répétitions automne 2025 et tournée dans la foulée en Bourgogne Franche-Comté et Auvergne-Rhônes-Alpes.
Durée envisagée : 1 heure 20.
avec 7 personnes sur scène.
Valérie Gaudissart
metteuse en scène
valeriegaudissart@gmail.com
«Quand c’est le moment de partir, c’est le moment. Le pire c’est que c’était prévu, on m’appelle le matin, on me dit : “y’a une place, est-ce que vous pouvez venir ?" J’ai dit, ce soir je suis là. J’avais fait en sorte de tout laver, de tout laisser à portée de main, et hop, une fois qu’il partirait au travail, tout dans les sacs poubelles. Les hommes, ils se rendent pas compte des sacs poubelles, ils se méfient pas. Alors j’ai pris les sacs poubelles avec dedans ma boîte à trésors avec les bracelets de la maternité, les cordons ombilicaux et les dents de lait, des photos des enfants parce que je voulais pas lui laisser, le dossier avec tous les papiers administratifs, des habits, des chaussettes et des culottes (les chaussettes des garçons, elles ont toujours des trous), la petite télé qui était dans la chambre de mon fils, avec la télécommande, des parts de pizza et des bouteilles d’eau. Et les enfants avec leur doudou. Et aussi de la peur, l’impression d’être suivie, c’est fou ce que je dis mais c’est vrai.»
«La violence j'arrivais à la repérer. Il est 18h, 18h30, on sent qu'il va exploser, on sait pas encore pourquoi, quelle sera la première remarque, le premier geste violent. Et puis ce jour-là, on sent qu’on est fatiguée, donc on se dit plutôt que d'attendre 21h, qu’on commence à s'endormir ou que ça arrive par surprise, et ben, bizarrement on va provoquer la crise, on va dire une chose, on va faire un truc. Alors on prend ses précautions, on va ranger les projectiles. Comme ça, on sait, une fois que ça aura éclaté, ça va durer une demi-heure, ça va durer une heure, mais au moins, ce sera fait, on pourra aller se coucher. C’est bon, c’est fait, on peut aller se coucher.»
«J'avais préparé un sac au cas où il faudrait partir d'urgence, un sac avec des vêtements d'enfants, la photocopie des carnets de santé, 20 euros, des gâteaux et des morceaux de sucre. Parce que le sucre, ça console. Le sucre, ça a toujours été mon allié. Donc je le laissai hurler, casser ce qu'il voulait et moi j'avais un morceau de sucre dans la bouche. Il faut pas prendre un morceau entier parce que ça fait mâcher et du coup il peut avoir l'impression que je suis en train de parler dans son dos. Il faut prendre la moitié d'un sucre, comme ça, ça se voit pas. Et pendant qu'il hurle et casse des choses, je me concentre sur le morceau de sucre qui fond dans ma bouche.»